Infogérance et économie circulaire : aujourd’hui, en août 2025, ce duo n’est plus confiné aux filières industrielles ou à une simple logique éthique. Dans les entreprises, il devient un levier stratégique pour réduire l’empreinte environnementale et prolonger la durée de vie des équipements informatiques. Pour les prestataires d’infogérance, ce n’est plus seulement une affaire de technologie : il s’agit de repenser le cycle de vie du numérique pour qu’il rime avec efficacité, sobriété… et bon sens.
1. Chiffres clés : l’impact environnemental de l’infogérance et de l’économie circulaire
- En France, 2,5 % de l’empreinte carbone nationale est liée au numérique – un poids supérieur à celui du secteur des déchets (2 %).
- Chaque habitant génère en moyenne 299 kg de déchets numériques par an – soit plus de 20 millions de tonnes à l’échelle nationale.
- Pour 79 % de l’empreinte carbone du numérique, c’est la fabrication des équipements (ordinateurs, smartphones, téléviseurs…) qui est responsable, contre 16 % pour les centres de données et 5 % pour les réseaux.
- En cycle de vie complet, la production d’un ordinateur portable génère en moyenne 80 kg de CO₂ et son usage environ 40 kg/an.
- Un écran 21,5″ émet environ 222 kg de CO₂e, et un ordinateur portable 156 kg de CO₂e.
- Un seul ordinateur de 2 kg nécessite approximativement 800 kg de matières premières lors de sa fabrication.
- À l’échelle mondiale, le numérique représente approximativement 3–4 % des émissions de gaz à effet de serre et 6 à 10 % de la consommation électrique mondiale.
Ces chiffres ne laissent aucun doute : l’impact environnemental du numérique est massif, dominant dès l’amont – à la fabrication – et bien au-delà de la simple consommation énergétique.
2. Infogérance et économie circulaire : passer du neuf au durable
Remplacer un poste de travail défectueux par un modèle neuf est souvent le chemin de moindre résistance. Pourtant, il faut savoir qu’un seul ordinateur mobilise des centaines de kilos de ressources, et génère un bilan carbone dès sa fabrication. Ce constat impose une révision des réflexes : diagnostiquer, reconditionner, redéployer.
L’infogérance devient alors un vecteur d’économie circulaire en promouvant :
- La maintenance préventive, qui permet de prolonger la durée d’usage.
- La mise à jour ciblée du parc plutôt qu’un remplacement systématique.
- Le reconditionnement des matériels en bon état, pour un usage dans d’autres services ou filiales.
Le bénéfice est double à chaque étape : moindre coût pour l’entreprise, et moindre impact sur l’environnement.
3. Virtualisation et infogérance : un levier fort pour l’économie circulaire
La virtualisation constitue l’une des clés de la symbiose entre infogérance et économie circulaire. En consolidant plusieurs serveurs virtuels sur un seul serveur physique, on réduit :
- Le nombre de machines physiques à produire, alimenter en énergie et recycler.
- Les consommations électriques grâce à une infrastructure plus dense et efficientes.
- L’utilisation prématurée de matériel ancien.
Ce principe permet aussi d’augmenter la durée de vie des serveurs en les optimisant pour des usages adaptés, au lieu de céder à l’obsolescence programmée.
4. Recyclage IT et infogérance : au cœur de l’économie circulaire
Le recyclage ne se limite pas à empiler des PC usagés dans un container. Une démarche vraiment circulaire inclut :
- L’effacement sécurisé des données, indispensable avant toute destruction ou export.
- Le tri sélectif des composants (cartes, plastiques, métaux précieux).
- Le recours à des filières locales agréées, limitant ainsi les impacts logistiques.
La gestion des DEEE (Déchets d’Équipements Électriques et Électroniques) est une obligation légale : les entreprises doivent organiser la collecte, le suivi, le tri et le recyclage par des prestataires agréés, sous peine de sanctions financières ou pénales.
5. Cadre réglementaire en mouvement : loi AGEC, éco-conception…
5.1. Loi AGEC (France)
Promulguée en février 2020, la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire) vise à transformer un modèle linéaire (produire‑consommer‑jeter) en un modèle circulaire. Elle repose sur cinq axes : élimination du plastique jetable, information du consommateur, lutte contre le gaspillage, lutte contre l’obsolescence programmée, production responsable.
Elle renforce également la Responsabilité Élargie du Producteur (REP), fixant des objectifs précis pour les éco-organismes en matière de réemploi et d’éco-conception. Le recyclage des équipements (ordinateurs, smartphones…) s’inscrit pleinement dans cette obligation à respecter.
Par ailleurs, la loi encourage l’indice de réparabilité, qui valorise les appareils faciles à réparer et à maintenir.
5.2. Directive européenne d’éco-conception & DEEE
La directive européenne 2012/19/UE encadre la gestion des DEEE : collecte sélective, recyclage obligatoire, responsabilité des producteurs et des informations à fournir.
Elle impose par ailleurs des exigences en matière de réparabilité, d’efficacité énergétique et de disponibilité des pièces détachées pour les équipements numériques, remettant en cause le modèle d’appareils jetables.
6. Zoom technique : les solutions qui accélèrent la durabilité
Technologie | Rôle dans l’économie circulaire IT |
---|---|
Virtualisation | Réduction du nombre de machines physiques consommées et recyclées. |
Monitoring énergétique | Supervision en temps réel de la consommation, repérage des gaspillages. |
IoT prédictif | Capteurs dans les serveurs et onduleurs pour anticiper les pannes. |
Ces outils offrent un pilotage en temps réel, une alerte précoce et une optimisation fine, permettant d’éviter remplacements inutiles et arrêts de service coûteux.
Prenons l’exemple d’AlphaBuro, une PME réunionnaise de 85 salariés spécialisée dans le négoce. Son parc informatique vieillissant — serveurs âgés de 7 ans, postes utilisateurs de 5 ans en moyenne — commençait à peser lourd : pannes récurrentes, performances dégradées et facture énergétique en hausse de 18 % sur deux ans.
Intervention
Stor Solutions a conduit un audit complet pour dresser un état précis du parc et identifier les leviers d’optimisation. Les actions retenues :
- Recensement des machines réemployables et plan de reconditionnement ciblé.
- Virtualisation de 4 serveurs physiques en un cluster unique.
- Déploiement d’un monitoring énergétique avec alertes automatiques.
- Formation des équipes aux gestes de sobriété numérique.
Résultats observés dans ce scénario type
- 42 % du matériel initial prolongé de 3 ans, dans la fourchette haute des moyennes constatées (30–50 %).
- Réduction de 26 % de la consommation électrique liée à l’IT (plage réaliste : 20–40 %).
- Économie estimée de 12 800 € sur le budget combiné matériel et énergie, calculée à partir du coût moyen d’un poste (~800 € TTC) et de la baisse des charges électriques (~60 €/machine/an).
- 320 kg de DEEE évités, calculés sur un poids moyen poste+écran de 8 kg, valorisés via une filière locale agréée.
Pour AlphaBuro, l’intégration de principes d’économie circulaire dans l’infogérance n’a pas seulement réduit l’impact environnemental : elle a aussi généré un retour sur investissement mesurable dès la première année, tout en renforçant la fiabilité opérationnelle du parc.
7. Encadré pratique — PME & ETI : les bons réflexes
- Cartographier précisément le parc informatique (âge, usage, état).
- Mettre en place des maintenances préventives régulières (voire trimestrielles).
- Réemployer le matériel en interne avant tout achat neuf.
- Inclure des clauses d’éco-conception dans les contrats fournisseurs.
- Former les collaborateurs aux gestes simples (extinction, rangement, vigilance énergétique).
- Recourir à des filières agréées pour les DEEE et assurer leur traçabilité.
« Ce qui dure plus longtemps coûte moins cher… et pollue moins. »
8. Perspectives : IA, edge computing et infogérance circulaire
- Intelligence artificielle : elle permet aujourd’hui de détecter une défaillance future sur un composant, d’optimiser la charge des serveurs selon leur usure réelle, et de recommander des ajustements pour prolonger leur durée de vie.
- Edge computing : en traitant les données au plus proche de la production locale, on réduit le volume de flux vers les centres de données, et donc la consommation énergétique globale.
Associées à une stratégie d’économie circulaire, ces technologies dessinent un numérique autant performant, durable que résilient.
9. Former et embarquer les équipes
Aucun dispositif d’économie circulaire en IT ne peut réussir sans l’adhésion collective. Cela passe par :
- De simples formations régulières aux bonnes pratiques.
- Des procédures claires pour signaler et réparer les dysfonctionnements.
- Une sensibilisation des équipes aux impacts matériels et énergétiques.
Les opérateurs d’infogérance deviennent ainsi techniciens… et pédagogues.
une responsabilité… et une opportunité stratégique
Infogérance et économie circulaire ne sont plus des notions éloignées : elles convergent naturellement. En alliant économie, robustesse opérationnelle et impact environnemental réduit, ce duo représente une opportunité stratégique autant qu’une responsabilité.
À La Réunion comme en métropole, cette approche se diffuse, portée par le cadre réglementaire, les attentes clients et le bon sens.
Pour les entreprises, il ne s’agit plus d’un geste RSE optionnel, mais d’un levier compétitif : moins de gaspillage, plus d’efficacité, et une image renforcée auprès des parties prenantes.